Faire sa veille : comment s'y prendre ?
À l’heure où les contenus et les flux d'information sont de plus en plus nombreux, comment faire le tri ? Comment s’organiser pour ne pas laisser passer les infos précieuses de nos actualités professionnelles sans se noyer ?
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(Extrait d'une chronique humoristique sur France Inter) : 6h57. C'est à vous Daniel Morin ! Oh oui ! Ce weekend j’ai été assailli par l'info. L'info, l'info, l'info, l'info... J'étais au taquet pour ne rien rater. J'étais en alerte permanente sur tous les sites d'infos. Et ben il y a de la matière, croyez-moi. Tenez, exemple : "Laetitia Halliday, est-elle prête à changer de vie pour Pascal Balland ?" Mais qu'est-ce qu'on en à foutre. Je m'en fous de Laetitia Halliday. Je m'en fous mais... Mais j'ai cliqué ! Oui comme un con, j'ai cliqué ! Je me suis dit ce Pascal Balland, ça se trouve c'est un mec hors du commun, une tronche et ce rapprochement entre le vide et l'immense peut s'avérer intéressant. Non non pas intéressant. Le gars est restaurateur à Paris. J'ai offert du clic à un site à la con.
Julie : la multiplication des médias et des supports nous donne l'impression parfois d'être noyé dans un flux constant d'information. Pourtant en tant que professionnel, il est indispensable de faire de la veille. Alors comment se tenir au courant des évolutions et actualités de nos domaines sans, pour autant se sentir victime de ce qu'on appelle "infobésité" ? Aujourd'hui nous échangeons avec Marie-Caroline, chargée de mission veille et information chez Via Compétences. Marie-Caroline, comment fais-tu pour être au taquet et ne rien rater comme le dit Daniel Morin dans l'extrait de sa chronique que nous venons d'entendre ?
Marie Caroline : et bien je trouve que Daniel Morin commence déjà à nous donner des premiers éléments de réponse. Il nous montre qu'il faut d'abord se poser la question de "pourquoi est-ce qu'on fait de la veille" ? Pourquoi est-ce qu'on recherche telle ou telle information ? Il nous montre qu'il faut savoir prendre du recul et trier. Et de ce fait qu'il faut définir des objectifs et des enjeux à notre veille.
Julie : alors peut-être que pour commencer, nous pourrions définir ce que c'est que la veille ?
Marie-Caroline : oui bonne idée. La veille, c'est la bonne information pour la bonne personne au bon moment, afin de lui permettre de prendre la bonne décision. On voit que derrière cette définition, il y a la notion d'utilité de la veille. A quoi sert notre veille ? Et derrière la notion d'action aussi. On va engager une action avec les informations qu'on aura récupérées grâce à notre veille.
Julie : quelles sont les difficultés qui sont remontées par les professionnels sur cette activité de veille ?
Marie-Caroline : et bien les même que tout le monde. Donc l'infobésité. L'infobésité c'est ce qu'on pourrait appeler la surcharge informationnelle. Le fait de se sentir noyé sous un flux d'informations. Alors les professionnels de la veille ont une méthode pour justement essayer de lutter contre cette infobésité. Ça passe par la structuration du travail de veille. Et pour ça, on utilise ce qu'on appelle "le cycle de la veille". Alors le cycle de la veille se décline en quatre grandes étapes. La première étape va consister à définir et analyser son besoin d'information. Ensuite, seconde étape, nous allons commencer à rechercher, à collecter de l'information. Puis troisième étape, on va commencer à analyser et à traiter l'information pour voir ce qui est vraiment intéressant et utile dans le cadre de notre veille. Et puis, enfin, on va capitaliser et diffuser l'information.
Julie : pour la première étape qui est celle de l'analyse des besoins est-ce que tu peux nous donner des conseils et des outils ?
Marie-Caroline : alors tout d'abord pour analyser les besoins, on va voir à qui s'adresse cette veille, en interrogeant les destinataires de notre veille pour bien comprendre leurs besoins. Et, une manière assez simple de questionner nos destinataires, c'est d'utiliser la méthode "QQOQCCP" : Quoi, Qui, Où, Quand, Comment, Combien, Pourquoi ? C'est peut-être pas dans l'ordre, mais bon voilà c'est l'idée. À partir de cette méthode, on va pouvoir savoir à qui on va s'adresser vraiment, quel genre d'informations vont être utiles, quand est-ce qu'il va vouloir être informé. On va commencer à décliner notre stratégie de veille. Mais aussi, on a d'autres outils qui peuvent nous aider. Ce sont les outils d'intelligence artificielle. Actuellement on utilise beaucoup Chat GPT. Un autre outil qui est français qui est "le chat" généré par Mistral AI peut être intéressant à utiliser. En tout cas c'est les outils qu'actuellement j'utilise. Et sur ces outils, on va les interroger. Par exemple on peut lui demander : "quels sont les besoins de veille pour un organisme de formation" ? Ou alors, pour un professionnel de l'orientation, à partir de sa première réponse, on va lui demander "eh bien déclines-moi un plan de veille" pour que je commence à à réaliser ma veille à partir de ces éléments-là. On peut aussi être un peu plus précis en lui demandant : quels sont les axes de surveillance ? Quels sont les types de sources que tu vas pouvoir me proposer ? L'intelligence artificielle aussi peut avoir un intérêt sur la phase suivante pour nous permettre de trouver les bons mots clés. Ce sont des outils qui vont vraiment nous aider à décliner le champ lexical de tel ou tel sujet.
Julie : écoutes, parfaite transition pour entamer notre discussion sur l'étape suivante qui est celle de l'identification des sources. Est-ce que tu peux nous en dire plus ? Comment faire face à une telle diversité ?
Marie-Caroline : on a l'habitude de dire que le sourcing, donc l'identification des sources, c'est la valeur ajoutée numéro 1 du veilleur. C'est-à-dire que si on trouve des bonnes sources d'information, forcément on aura des bonnes remontées de veille et on va pouvoir proposer une information intéressante et utile à nos destinataires. Alors pour évaluer l'information, on peut décliner trois grands concepts. La qualité de l'information, sa fiabilité et sa pertinence. Pour identifier, évaluer la qualité de notre information, on va chercher à savoir si cette information est précise, complète, à jour. Si elle est originale. Si ce n'est pas le cas, si les sources sont citées, si l'information est bien structurée etc... Ensuite, on va s'intéresser à la fiabilité. La fiabilité de l'auteur et la fiabilité de la source. Pour décrire la fiabilité d'un auteur, on va rechercher quels sont ses écrits. On va voir s'il a aussi déjà travaillé avec d'autres auteurs qui eux sont peut-être connus et dont on sait qu'ils sont fiables. De la même manière, pour identifier la fiabilité d'une source, on va aussi regarder si cette source va pointer vers d'autres sources qui elles-même sont des sources connues et reconnues. Ou alors si d'autres sources vont pointer vers cette source-là. En fait on mène vraiment un travail d'enquête. Dernier critère, c'est celui de la pertinence et là c'est un critère relatif. On va s'intéresser à savoir si cette information, elle va m'être utile. Et là peut-être je peux faire une petite parenthèse sur la différence entre une information intéressante et une information utile. Une information intéressante peut être juste intéressante, mais pas forcément utile. Une information utile, c'est une information qui va nous permettre d'engager une action ou de prendre une décision.
Julie : alors on arrive aux deux dernières étapes qui sont celles du traitement et de la capitalisation. Comment peux-tu nous aiguiller pour les mettre en œuvre ?
Marie-Caroline : alors il existe différents outils pour ces deux grandes étapes qui sont soit ce qu'on appelle des agrégateurs de flux RSS ou alors des outils de curation. Qu'est-ce qu'un agrégateur de flux RSS ? Et déjà qu'est-ce qu'un flux RSS ? Ce sont des technologies qui vont nous permettre d'être alerté sur les dernières mises à jour d'un site ou d'un blog par exemple. Parmi les agrégateurs de flux RSS qui existent, il y a Inoreader qui est l'outil que l'on utilise chez Via Compétences qui va nous permettre d'agréger différents flux, émanant de différents sites et qui vont nous permettre d'engager ce travail de traitement et de capitalisation. C'est-à-dire qu'on va recevoir des flux d'informations, on va les trier, on va les sélectionner, les catégoriser pour pouvoir les classer et ainsi les retrouver facilement. D'autres outils existent aussi qui sont plus des outils de curation et de collaboration comme "pearltrees" qui est un outil français et "Wakelet". Alors avec ces outils, on va pouvoir créer des collections thématiques et également annoter et partager les contenus que l'on aura trouvés intéressants. Pour être plus précise, qu'est-ce qu'un outil de curation ? C'est un outil qui va permettre de sélectionner des informations. Non seulement les sélectionner mais aussi les organiser et les présenter d'une manière à les éclairer en fait. Voilà à les rendre plus intelligibles et utiles à l'action.
Julie : à t'entendre ainsi parler de ton expertise sur la veille, ça me donne l'impression qu'il faut beaucoup de compétences pour exercer une veille efficace ? Comment est-ce que on peut venir en soutien des professionnels sur ce plan ?
Marie-Caroline : et bien en leur proposant des outils qui sont faciles à prendre en main. Et chez Via Compétences, on a déjà une veille qui est relativement poussée qui peut intéresser les différents professionnels de l'emploi, de la formation et de l'orientation. On propose, par exemple, une offre d'information qui est relativement complète, avec par exemple notre site www.via-competences.fr qui va décliner des actualités sur ces différents champs-là. On réalise environ 10 actualités par semaine. Ce qui est déjà assez intéressant pour faire une veille. On propose également différentes veilles, une quarantaine de veilles en fait qui sont déclinées par thématique sur le site de la médiathèque. La médiathèque de Via Compétences, à partir de laquelle on va pouvoir s'abonner. Il faut savoir que cette veille, on est environ une vingtaine de personnes chez Via Compétences à la réaliser en fonction de nos domaines d'expertise.
Julie : avant de conclure cet épisode, est-ce qu'on peut faire un petit focus pour les organismes de formation parce que Qualiopi est venu mettre l'accent sur la nécessité de faire sa veille. Avec aussi l'exigence de fournir la preuve de cette veille. Est-ce que tu peux nous donner des conseils à ce sujet ?
Marie-Caroline : avec Qualiopi, effectivement il faut prouver qu'on a mis en place une veille. Mais au-delà de ça, il faut prouver qu'on exploite les résultats de cette veille. Alors pour ce faire, on peut tout simplement élaborer ce qu'on appelle un tableau de suivi au format de tableau Excel. Avec une première colonne, on va répertorier les éléments qu’on trouve intéressants et qu'on qu'on souhaite exploiter. Et puis après on va décliner un certain nombre de colonnes qui vont correspondre aux indicateurs Qualiopi concernant la veille. Et puis dernière colonne, et bien là, on va décliner les actions qui vont être mises en œuvre ou qui ont déjà été mises en œuvre. Avec ce tableau on répond déjà aux demandes de Qualiopi.
Julie : merci pour toutes ces explications. En trois mots que conseilles-tu à nos auditeurs pour une veille efficace ?
Marie-Caroline : alors en trois mots, je dirais d'abord qu'il faut de la régularité. Il faut être vraiment régulier dans sa veille, faut montrer qu'on maîtrise cette veille et que c'est pas elle qui nous maîtrise. Donc se fixer des rendez-vous. Un second mot, c'est un mot que j'aime beaucoup, c'est le mot de serendipité. La serendipité qu'est-ce que c'est ? C'est trouver ce que l'on ne cherche pas. C'est-à-dire que dans notre veille, on va être confronté à beaucoup d'informations et puis aussi des informations auxquelles on n''aurait pas pensé. Il faut savoir être curieux, savoir rebondir sur cette information-là et voir en quoi elle peut nous être intéressante, même si on y avait au préalable pas pensé. Et et puis dernier mot, alors c'est un groupe de mots c'est que la veille est une activité itérative. Alors qu'est-ce que ça veut dire une activité itérative ? Et bien c'est, j'avais parlé au tout début de ce podcast du cycle de la veille en déclinant quatre grandes étapes, en fait il y a une 5ème étape. C'est l'étape d'évaluation. Et cette étape-là, elle se fait tout au long de notre cycle. C'est-à-dire que quand on commence à identifier les besoins et bien ces besoins peuvent évoluer. Donc on va évaluer ceux-ci. Ensuite on va aussi évaluer nos sources. Ces sources peuvent avoir elles-même évoluées. D'autres sources peuvent être apparues. Donc tout ce travail-là il faut le faire en continu. Et on est vraiment dans le cadre de la veille, dans un processus d'amélioration continue.
Julie : on arrive à la fin de cet échange. Merci Marie-Caroline pour ce partage qui nous aura donné des pistes concrètes pour acquérir méthodologie et outils pour une veille efficace. Vous accéderez aux infos pratiques et ressources liées à notre discussion du jour dans la description de cet épisode. Et, en attendant de vous retrouver autour d'un prochain sujet, nous vous invitons à nous suivre sur LinkedIn et sur notre site internet www.via-competences.fr qui regorge d'infos et de pépites pour les professionnels de l'orientation, de la formation et de l'emploi.
En résumé
Dans cet épisode nous discutons de la méthodologie et des outils pour faire sa veille professionnelle. Marie-Caroline Wuillot, chargée de mission veille et information chez Via Compétences, partage avec nous une méthodo simple et efficace pour y arriver !
Références - pour aller plus loin :
Victime de l'appel à l'info sans aucun intérêt - la chronique de Daniel Morin (youtube.com)
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Crédits Illustrations sonores
Musique Dude – Patrick Patrikios - YouTube Audio Library