Vous avez dit FLE ? Focus sur les spécificités d’un public

Besoin de repères pour mieux comprendre qui sont les publics qui relèvent du Français Langue Étrangère, ce que recouvre le terme ? Dans ce nouveau podcast proposé par Via Compétences, écoutez les conseils de professionnels de l’enseignement de la langue pour mieux prendre en compte cette diversité.

Publié le 16 décembre 2021

[Extrait musical]

Animatrice – Bonjour, et bienvenue à tous, et contente de vous retrouver vous ce nouvel épisode des podcasts de Via Compétences.

[Extrait d’enregistrement audio – bonjour dans toutes les langues]

[Fond musical]

Animatrice - Apprendre une langue, vivre dans un pays qui n’est pas le sien, vous avez déjà tenté l’expérience ? J’ai mille anecdotes, qui pourraient illustrer cette confrontation à un nouveau monde, avec une langue que tu maîtrises plus ou moins bien, comme ces conversations avec des amis, tous mexicains, qui partagent des souvenirs d’enfance auxquels tu ne comprends rien. Dans ce nouvel opus, qui me tient tout particulièrement à cœur, je vous propose de nous questionner sur spécificités du public qui relève du FLE, du Français Langue Étrangère. Autrement dit, nous allons durant ces quelques minutes, tenter de mieux définir ensemble qui sont les publics en situation d’apprentissage de la langue française. Pour ce faire, j’ai rencontré différents professionnels du secteur, que je vais vous présenter au fur et à mesure de la réflexion. Pour commencer, faute de voyager plus, j’ai posé mes bagages à l’université Lyon 2, où j’ai d’abord échangé avec Émilie et Frédérique. Bonjour Mesdames !

Émilie et Frédérique - Bonjour.

Animatrice - Est-ce que vous pouvez vous présenter, et nous expliquer en quelques mots votre métier ?

Émilie - Je suis Émilie.

Frédérique RICHAUD - Alors moi, je suis Frédérique, Frédérique RICHAUD.

Émilie BURKHARDT - Émilie BURKHARDT. On est toutes les deux enseignantes de Français Langue Étrangère au CIEF.

Frédérique RICHAUD - Qui est le centre de formation pour les étudiants en Français Langue Étrangère intégré à l’université Lumière Lyon 2. 

Émilie BURKHARDT - Voilà, on enseigne, du coup, le français comme langue à des étudiants étrangers, qui peuvent être là pour quelques mois ou en situation d’exil. On est coresponsable, Frédérique et moi, du DU Passerelle. 

Animatrice – Pour commencer, je leur ai demandé de redéfinir des termes un peu généraux, qu’on entend très souvent. Et Émilie, le premier terme que je vais te donner, c’est le terme de migrant.

Émilie BURKHARDT – La presse, les médias, parlent de migrants pour désigner les personnes qui vivent en France alors qu’ils sont issus d’un autre pays d’origine. Du coup, les personnes peuvent avoir migré pour des raisons qui peuvent être de conflit, de politique, des raisons politiques ; ils peuvent aussi avoir migré pour des raisons économiques et des raisons climatiques. Pour le terme de migrant, il est assez généraliste. Nous, dans notre DU Passerelle, on préfère parler de public en situation d’exil, qui est un peu plus précis. Donc en fait, ce sont des personnes qui sont demandeuse d’asile, ou qui ont eu le statut de réfugié politique. Donc un migrant, on pourrait dire : c’est une personne qui est sur le territoire, ici français, mais qui au départ vivait ailleurs. Et une personne exilée, c’est une personne qui demande l’asile et qui cherche vraiment à s’installer ici, à refaire sa vie ici parce qu’elle n’a pas d’autre choix.

Animatrice – Frédérique, le Français Langue Étrangère, c’est quoi exactement ?

Frédérique RICHAUD – C’est l’enseignement du français comme langue étrangère, donc pour ces populations-là, c’est la langue visée pour pouvoir s’intégrer, vivre en France puisque c’est le pays dans lequel ils s’installent, pour pouvoir communiquer, accompagner les enfants à l’école, etc. C’est le français comme une langue étrangère, comme les jeunes ici apprennent l’anglais comme une langue étrangère.

[Extrait audio : témoignages d’étudiants – Je viens du Vénézuela, et j’apprends le français parce que c’est une façon pour m’adapter, et aussi pour m’exprimer, c’est la façon pour exprimer mes besoins, comprendre les choses. Merci, qui d’autre ? Moi, je m’appelle Duina, je viens d’Afghanistan, j’apprends le français parce que j’aime bien apprendre, et pour ça il faut être capable de communiquer avec les autres.]

Animatrice - Il me semblait aussi important de faire la différence entre illettrisme et alphabétisation. J’ai posé la question à Pascal, parce qu’en fait je ne suis pas restée qu’à Lyon 2, je suis aussi allée à Villeurbanne pour le rencontrer. Pascal, il est formateur de Français Langue Étrangère, mais aussi formateur de formateurs au centre académique de formation continue, le CAFOC, qui est un support du réseau des Greta.

Pascal - Alors l’alphabétisation, c’est quelqu’un qui est analphabète, et quelqu’un qui est analphabète, c’est une personne qui a été scolarisée moins de deux ans dans sa langue d’origine. La différence avec une personne en situation d’illettrisme, c’est qu’une personne illettrée aurait été scolarisée en langue française, et elle n’aura pas atteint à l’issue de sa scolarisation, la maîtrise suffisante des bases de la lecture, de l’écriture et du calcul. 

[Fond musical]

Animatrice - Mais concrètement, quand on rencontre une personne qui est en cours d’apprentissage de la langue et qu’on n’est pas un spécialiste du FLE, on peut quand même avoir quelques points de repères pour mieux comprendre où se situe cette personne, ce qui donnera également des pistes pour mieux l’accompagner. 

[Fin du fond musical]

Frédérique RICHAUD - Des catégorisations avec des niveaux, des appellatifs A1, A2, B1, B2, C1, C2, C2 étant le maximum, le bilinguisme, et A1 se sont des personnes qui arrivent et qui ne parlent pas du tout. J’ai toujours le souvenir d’une étudiante, qui lors d’un premier cours de A1, me disait « Me y tilit », et j’ai mis très longtemps à comprendre qu’en fait, elle me disait « moi, je suis chilienne ». Voilà, ça c’est le niveau A1 par exemple.

Émilie BURKHARDT - En fin de A1, on commence à avoir des expressions isolées, toujours dans le concret, des mots et un certain nombre de phrases de répertoire verbal. En A2, on commence à pouvoir faire des phrases simples et à les relier en elles. Le B1, c’est le niveau qu’on estime, en fin de B1, le mot clé c’est « on se débrouille » dans l’univers concret, dans les situations, sur les sujets à peu près courants. Donc en fin de B1, un étudiant il est capable de vivre, de faire ses achats, de prendre un logement. Il fait plein d’erreurs, encore.

Animatrice – Mais il a une certaine autonomie, quoi.

Émilie BURKHARDT - Voilà. Le B2, lui, va être le niveau qu’on demande la plupart du temps à l’université. Donc c’est un niveau où vraiment, on peut exprimer une opinion, on peut argumenter, on utilise des connecteurs, on est capable de tenir un discours personnel. Mais on fait encore pas mal d’erreurs, on a un accent, et parfois l’université demande le C1 aussi, certaines filières plus littéraires (le journalisme, le droit etc.). Le niveau C1, c’est un niveau, on le sait, on est vraiment dans la maîtrise, le niveau C1, voilà, on peut suivre des études, on peut écrire une thèse, et puis Frédérique le disait tout à l’heure, le niveau C2, c’est l’équivalent d’un bilinguisme, il peut y avoir des traces d’accent, quelques erreurs qui restent, mais on est capable dans toutes les situations de tenir un discours, une conversation sans aucune difficulté.

[Fond musical] 

Animatrice – Et ces personnes, elles apprennent le français où ? J’ai posé la question à Pascal.

[Fin du fond musical] 

Pascal – Alors, les dispositifs existants sont nombreux, ils vont variés en fonction de la situation de la personne, si on est sur des personnes primo arrivantes, donc qui sont là depuis moins de 5 ans, c’est l’OFII qui sera leur interlocuteur. Si on est avec des personnes qui ont le bac et qui souhaitent poursuivre des études, c’est plutôt vers l’université qu’elles vont s’orienter. Autre critère, ça va être l’objectif des personnes : une poursuite d’étude, je l’ai mentionnée, mais ça peut être également intégrer le marché du travail, dans ce cas-là ça va être plutôt les formations financées par Pôle Emploi. On peut aussi classer les dispositifs en fonction des modalités proposées : formation collective, en groupe, ou plutôt de l’accompagnement individuel ? Et puis, bien sûr, en fonction du critère financier, puisque tous ces dispositifs-là n’auront pas le même coût pour l’apprenant. 

[Fond musical] 

Animatrice – À ce propos, gardez en tête l’existence de la plateforme collaborative Réfugiés.info, qui est en cours de développement, et dont l’un des objectifs consistent à répertorier les formations linguistiques. Mais pas que ! Ce site s’adresse aux personnes étrangères et propose des fiches thématiques sur plein de domaines différents. Pour aller plus loin, nous avons demandé à nos intervenants de nous parler des dispositifs sur lesquels ils interviennent, à commencer par Émilie et Frédérique.

Émilie BURKHARDT – LE DU passerelle, c’est un DU qui est ciblé pour des étudiants en situation d’exil. On a fait le choix d’avoir ce DU sur deux semestres, premier semestre au niveau B1, accompagnement jusqu’au deuxième semestre, avec le niveau B2. Il est, au CUF, particulier, car il y a tout le support langue pour arriver à ce niveau-là, mais aussi un accompagnement à l’orientation, puisque l’idée c’est qu’ils puissent aussi reprendre des études. C’est vraiment dans le choix des personnes qui vont faire partie du groupe, il y a cette demande d’être dans un projet de reprise d’étude.

Animatrice - Pascal, tu as travaillé plusieurs années dans le dispositif de l’OFII, est-ce que tu pourrais nous en reparler ?

Pascal – Alors l’OFII c’est l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, qui propose des formations linguistiques à des personnes qui sont arrivées sur le territoire depuis moins de cinq ans et qui ont signé un contrat d’intégration républicaine. L’OFII, au moment de l’intégration de ces personnes, les positionnent, en fonction de leur besoin d’apprentissage du français et leur frein éventuel à l’apprentissage, pour ensuite proposer des parcours de formation qui vont varier entre 100 et 600 heures. Et avec les formations linguistiques de l’OFII, on est dans le champ du français langue d’intégration qui vise l’autonomie dans l’apprentissage et la maîtrise de la langue française, en tant que langue d’usage dans les situations de la vie quotidienne.

[Fond musical] 

Animatrice – L’apprentissage peut être aussi lié à l’insertion sociale par le travail. C’est ce que propose l’association Weavers, à Villeurbanne. J’y ai rencontré Angelica ANDRADE, qui est formatrice FLE et chargée d’insertion professionnelle pour cette asso.

Angelica ANDRADE – On a quatre programmes au total. Donc Tissu Solidaire, c’est le programme phare, le programme historique, il est adressé à toute personne éloignée de l’emploi. On accueille les personnes qui ont besoin d’un travail sur le français, qui ont besoin aussi de faire un processus de remobilisation, parce que ce n’est pas malheureusement pour l’instant un programme rémunéré. Donc les personnes ayant besoin de la création de liens, de réactiver toutes leurs compétences et acquérir de nouvelles compétences, peuvent venir au sein de Tissu Solidaire pour une formation d’à peu près 3 mois, où ils vont travailler plusieurs modules : l’employabilité, le Français Langue Étrangère (l’un des modules les plus importants), le numérique (avec les prêts d’ordinateurs), et il y a plein d’autres petits modules qui vont se rajouter en fonction des disponibilités de nos différents partenaires. On travaille souvent avec un univers associatif de Villeurbanne et lyonnais.

Animatrice – Pour finir, j’ai rencontré Lorène, qui a l’habitude de recevoir des publics étrangers à l’université Lyon 2.

Lorène – Bonjour, je m’appelle Lorène FRANÇOIS, j’ai 37 ans et je suis actuellement la coordinatrice du CIEF, le Centre International d’Études Françaises, qui est un centre universitaire de FLE, qui accueille hors période Covid entre 400 et 500 étudiants qui viennent en France apprendre le français.

Animatrice - Est-ce que tu aurais des conseils à donner pour les personnes qui sont en situation de recevoir du public relevant du Français Langue Étrangère ? 

Lorène – Alors je dirais trois choses qui sont importantes : déjà, c’est la volonté de vouloir accueillir un public international. C’est un public vraiment particulier, qu’on n’accueille pas comme un public 100 % français. Ensuite, je parlerai de l’empathie, qui est une valeur et une qualité un peu galvaudée, c’est un terme qu’on emploie souvent en ce moment, mais dans le sens premier, l’empathie, c’est vraiment se mettre à la place d’une personne. Donc en l’occurrence, en ce qui me concerne, à la place d’un étudiant qui débarque à Lyon, peut-être qu’il était il y a 48 heures à Tokyo, et il arrive là à Lyon après 20 heures de voyage, avec un alphabet qu’il ne connaît pas bien, des sons, des odeurs, un climat différent, et ça c’est vraiment important de se mettre à sa place, pour pouvoir essayer d’entrer en communication avec lui. Et, je dirais aussi qu’entrer en communication avec quelqu’un qui ne connaît pas le français, qui ne parle pas le français, passe aussi par le corporel : le visage, les gestes, l’importance du sourire, du regard, pour mettre à l’aise la personne et qu’elle se sente la mieux possible.

[Fond musical]

Animatrice – Voilà, avec tous ses conseils, vous voilà prêts à accueillir des personnes du monde entier. Vous trouverez bien sûr tous les liens des structures que nous avons mentionnées et des liens complémentaires, à la suite du podcast. Je tiens bien sûr à remercier tous les intervenants, Emilie, Frédérique, Pascal, Angelica et Lorène, mais aussi Julie, qui m’accompagne à chaque fois sur ces podcasts. Nous, on se retrouve l’année prochaine pour un nouveau numéro des podcasts de Via Compétences, qui traitera cette fois-ci de la thématique du PIC, le Plan d’Investissement dans les Compétences. En attendant, restez ouverts, restez curieux, et continuez à vous former !

[Fin du fond musical]

En résumé

Pourquoi se questionner sur le FLE ?

 Les professionnels de l’orientation, de la formation et de l’emploi rencontrent dans leur activité une grande diversité de publics. Parmi eux, les personnes dont la langue maternelle n’est pas le français et qui sont face à un enjeu de maitrise linguistique pour mener à bien leurs projets professionnels et personnels.

Des pistes concrètes

Dans ce podcast, nous vous proposons de revenir ensemble sur les spécificités d’un public FLE (Français Langue Étrangère). Partons des définitions clés et allons jusqu’aux conseils concrets pour mieux orienter, accompagner ou tout simplement mieux accueillir ces publics. 

Texte riche

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